"Je suis propriétaire d’un immeuble locatif à Genève. Un voisin vient de m’apprendre que le locataire occupant un de mes appartements se livrait actuellement à des actes de déprédation dans celui-ci, soit qu’il avait fracassé les portes des pièces ainsi que les meubles et installations de cuisine. Quelles mesures urgentes puis-je prendre ?" Maître Laure MEYER
La loi prévoit que le locataire est tenu d’user de la chose avec le soin nécessaire. C’est essentiellement le contrat et les circonstances qui définissent le mode d’usage à défaut de précisions du texte légal.
Cette règle vise à sanctionner tout usage non conforme à la convention des parties, et cela même si l’activité incriminée n’engendre pas une situation insupportable pour le bailleur.
Dans le cas d’un locataire qui commet volontairement des dommages à la propriété dans les locaux pris à bail, le bailleur peut entreprendre, dans l’urgence, les démarches suivantes :
Requérir du Juge l’autorisation provisionnelle de procéder à une inspection de l’appartement si le locataire viole son obligation légale de tolérer cette inspection;
Actionner le locataire en cessation de la violation du contrat (usage de la chose non conforme au contrat) et en interdiction de cette violation par voie de mesures provisionnelles;
Résilier le bail du locataire avec effet immédiat;
Déposer une requête en évacuation si le locataire reste dans les locaux après la résiliation;
Déposer une plainte pénale.
Il importe en priorité pour le bailleur, confronté à une telle situation, de s’enquérir de l’état de son appartement en procédant le plus rapidement possible à une inspection de la chose. Si le locataire s’y oppose, le bailleur pourra alors requérir du Juge l’autorisation provisionnelle d’y procéder. Il est recommandé au bailleur, qui aurait obtenu l’autorisation sollicitée, de se faire accompagner d’un huissier judiciaire qui pourra consigner les constatations faites dans un procès-verbal. Ce document pourra être utilisé pour prouver les dégâts causés par le locataire dans les procédures ultérieures.
En outre, le bailleur aura également pour préoccupation première que le locataire cesse d’endommager la chose louée. Il pourra à cette fin assigner le locataire en cessation de la violation du contrat et en interdiction de cette violation par voie de mesures provisionnelles. En d’autres termes, le bailleur demandera au Juge qu’il soit ordonné au locataire de s’abstenir d’un comportement contraire au contrat, sous la menace des peines prévues par la disposition du Code pénal réprimant l’insoumission à une décision de l’autorité. Certaines conditions devront néanmoins être réalisées notamment la condition de l’urgence et le fait que le bailleur soit exposé à la survenance ou à la persistance d’un dommage difficile à réparer.
Parallèlement à ces démarches, le bailleur qui aura reçu confirmation des actes de déprédation commis par le locataire devra s’empresser de mettre fin au bail.
En effet, le législateur a prévu que le bailleur a la faculté de résilier le contrat de bail avec effet immédiat lorsque le locataire cause volontairement un préjudice grave à l’objet loué. Dans ce cas, le bailleur n’a pas à adresser une protestation écrite préalable au locataire, à respecter le délai de congé ou le terme. Il n’a pas non plus à démontrer que le maintien du bail lui est insupportable (la loi le présumant). Néanmoins, les faits à la base d’un congé immédiat doivent revêtir un certain degré de gravité. C’est le préjudice en tant que tel, donc le résultat, qui doit apparaître comme grave, après un examen objectif, sans égard au comportement du locataire, ni au contexte qui a entouré ses agissements.
A titre d’exemple, doivent être considérés comme des préjudices graves, la destruction ou la mise hors d’usage complète ou partielle de la chose louée, notamment le fait de détruire ou de rendre inutilisable une chambre, un appartement, un grenier, un ascenseur ou une installation de cuisine.
Le bailleur, confronté à un locataire qui a fracassé les portes de son appartement et gravement détérioré la cuisine, peut ainsi résilier le bail avec effet immédiat, le résultat apparaissant comme grave. Le formulaire ad hoc devra être utilisé afin de notifier cette résiliation.
Si le locataire ne quitte pas les locaux consécutivement à la résiliation immédiate, il est conseillé au propriétaire de déposer une requête en évacuation pour obtenir son départ forcé par la voie judiciaire. Il est suggéré au bailleur d’informer le locataire qui n’a pas libéré les locaux qu’il est un occupant illicite et de préciser que les « loyers » qu’il continuerait par hypothèse de verser sont des « indemnités pour occupation illicite des locaux ».
Par ailleurs, le bailleur qui a pu vérifier que le locataire a volontairement endommagé, détruit ou mis hors d’usage de manière complète ou partielle la chose louée, pourra déposer une plainte pénale du chef de dommage à la propriété contre son locataire, étant rappelé que l’infraction est poursuivie sur plainte.
Enfin, une fois que le bailleur aura connaissance de la nature et du montant du préjudice causé par le locataire, il pourra lui réclamer des dommages-intérêts pour le dommage subi.
En conclusion, il convient d’être très réactif et de prendre rapidement connaissance de l’étendue des dégâts causés par votre locataire pour réagir de manière adaptée au moyen, notamment, des solutions proposées ci-dessus qui tendent à vous permettre de limiter au maximum votre dommage.
Par Laure MEYER, Avocate CGI Conseils. Article paru dans Tout l’Immobilier
Teepee Real Estate
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